Peinture d’un film. Vue sur "Le dejeuner sur l'herbe" de Jean Renoir
Zusammenfassung
Titre: Peinture d’un film.
Vue sur Le déjeuner sur l’herbe
de Jean Renoir
Table
Introduction p.3
I. La réalisation du film p.4
I.I.i. Fiche technique p.4
I.I. Le tournage p.4
I.II.i. La Distribution/ Les acteurs p. 5
I.II. Au tour des acteurs et personnages p.6
I.II.I Nénette p.6
I.III Les espaces p.8
II. Une œuvre pour les sens, un hommage à la peinture p.11
II.I Manet et Renoir p.11
II. II. Enchanter les images par la musique p.12
II.II.I Le rôle du son p.14
Conclusion
III. Le monde apolloniens et l’esprit dionysiaque p.15
III.I L’Harmonie et l’opposition p.16
Bibliographie p.17
Table des Illustrations p.18
Leseprobe
Table
Introduction
I. La réalisation du film
I.I.i. Fiche technique
I.I. Le tournage
I.II.i. La Distribution/ Les acteurs p. 5
I.II. Au tour des acteurs et personnages
I.II.I Nénette
I.III Les espaces
II. Une œuvre pour les sens, un hommage à la peinture
II.I Manet et Renoir
II. II. Enchanter les images par la musique
II.II.I Le rôle du son Conclusion
III. Le monde apolloniens et l’esprit dionysiaque
III.I L’Harmonie et l’opposition
Bibliographie
Table des Illustrations
Introduction
Tout d’abord revenons sur le choix de la langue pour approcher ce film Le déjeuner sur l’herbe: au début, par facilité, j’avais commencé mon travail en allemand – mais au fur et a mesure, me plongeant dans cet univers que j’apercevais tellement « français », tellement œuvre du terroir, j’ai finalement opté pour l’écriture critique en français qui me semble plus « adaptée » au sujet. Ce détail qui pourrait sembler peu signifiant révèle pourtant l’influence, la puissance de l’œuvre que l’on veut rencontrer sur le plan artistique aussi bien que linguistique. C’est se rapprocher de la création presque malgré soi par instinct, comme un retour aux sources, et pour Renoir le retour au Mémoires de la douce enfance dans la maison et aux peintures de son père Auguste Renoir.
Ce qui frappe dans toute la création de Jean Renoir c’est ce coté à la fois affectif et attaché à son passé aussi bien que le coté très archaïque, notamment dans sa conception de la nature, qui s’oppose aussi bien qu’elle se mêle au monde nouveau des sciences et de la technologie. Des sujets pouvant être lourds ou banals se transforment dans ses chefs-d’œuvre grâce à l’emploi délicat de la lumière, du son, de la couleur et à sa manière de « peindre » une histoire: avec des mises en scène qui rappellent le théâtre et l’instant capté dans les œuvres des impressionnistes, et notamment du père, Auguste Renoir. Dans cette composition riche en impressions on dévoilera les « outils » et ingrédients qui ont créé l’atmosphère du film, en parlant du tournage, des images, des sujets et des références au passé, l’autobiographie et le développement artistique dans la création personnelle de Renoir.
I. La réalisation du film
I.I.i. Fiche technique
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Réalisation : Jean Renoir
Collaboration technique : Yves-André Hubert
Scénario et dialogues : Jean Renoir
Photographie : Georges Leclerc
Musique originale : Joseph Kosma
Décors : Marcel-Louis Dieulot
Costumes : Monique Dunan
Son : Joseph de Bretagne
Montage : Renée Lichtig
Assistants-réalisateur : Maurice Beuchey, Francis Morane, Jean-Pierre Spiero, Hedy Naka, Jean de Nesles
Extérieurs : Les Collettes et environs de Cagnes-sur-Mer
Production : Compagnie Jean Renoir
Directrice de production : Ginette Doynel
Distribution : Consortium Pathé
Genre : comédie
Durée : 1h33
Sortie : 11
I.I. Le tournage
Un film en couleur, une comédie pleine de gaîté et bourdonnante de vie et des réjouissances corporelles, Le déjeuner sur l’herbe est le 35ème film de Jean Renoir, qu’il réalise en 1959 et tourne en seulement vingt-quatre jours (!), surtout aux « Collettes », un des lieux préférés de son enfance (et deuxième atelier de son père). La totalité des scènes « en décors naturels » a été filmée sur place à l’extérieur, et l’on perçoit parmi les images du film la plénitude des tableaux d’Auguste Renoir- Le jardin des Collettes, les Filles sur l’herbe et les Grandes Baigneuses pour n’en nommer que quelques uns. Les scènes d’intérieur sont filmées à Paris, et aucune scène du tournage n’a été répétée plus de cinq fois. Renoir n’utilise pour les prises que deux caméras qu’il manipule seul; il pratique la même méthode que pendant le tournage de son précédent film – Le testament du Docteur Cordelier – qui consiste à filmer une scène entière sans interruption[1]. Cela plaît davantage aux acteurs qui ne sont plus arrêtés dans leur jeu par les « coupez ! » du réalisateur et qui peuvent donc plus facilement ’incarner de manière continue leur personnage. On perçoit ici ce penchant pour les techniques du théâtre que Renoir laisse plus ou moins transparaître à l’écran, dans ses méthodes de tournage et dans sa mise en scène[2]. En même temps, cette technique s’avère être une vraie corvée pour le travail du Cutter qui se retrouve devant un nombre infini de matériel de film provenant de cette technique de tournage (et c’est aussi la raison pour laquelle Renoir abandonnera cette technique dans ses films à venir).
I.II.i. La distribution/ Les acteurs
- Paul Meurisse : Étienne Alexis
- Catherine Rouvel : Nénette
- Jacqueline Morane : Titine
- Fernand Sardou : Nino
- Jean-Pierre Granval : Ritou
- Hélène Duc : Isabelle
- Ingrid Nordine : la comtesse Marie-Charlotte
- Charles Blavette : le berger Gaspard
- André Brunot : le curé
- Marguerite Cassan : Mme Poignant
- Jacques Dannoville : M. Poignant
- Régine Blaess : Claire
- Jean Claudio : Rousseau
- Paulette Dubost : Mlle Forestier
- Jacqueline Fontell : Mlle Michelet
- Jacqueline Huet : elle-même
- Robert Chandeau : le cousin Laurent
- Frédéric O'Brady : le cousin Rudolf
- Ghislaine Dumont : Magda
- Micheline Gary : Madeleine
- Michel Herbault : Moutet
- Raymond Jourdan : Eustache
- Pierre Leproux : Bailly
- Francis Miège : Barthélemy
- M. You : Chapuis
- Thierry Roland : lui-même
- Michel Péricard : lui-même
I.II. Autour des acteurs et personnages
L’ensemble des acteurs est constitué en majorité de personnes qui ont déjà travaillé avec Renoir dans des films précédents, comme par exemple Paul Meurisse, Jacqueline Morane, Fernand Sardou, etc. Le personnage de Nénette est le seul pour qui Renoir opte pour une « petite nouvelle », Catherine Rouvel, qui charmera non seulement le professeur Alexis dans l’histoire mais aussi le public, en offrant aux regards son joli dos nu dans le bain. Le tournage se faisait donc dans une atmosphère assez spéciale puisque tout l’équipe se connaissait bien, ce que l’on peu ressentir à la vue du film. Jean-Pierre Spiero, un des assistants de Renoir qui se souvient du tournage remarque « […] on [n’] avait pas l’impression de tourner un film […] c’était une partie de campagne»[3]. Et Renoir lui-même ajoute : « Pendant le tournage on avait tous l’impression d’être transformés en faunes et en nymphes.»[4] Singularité des films de Renoir, on retrouve moins des « protagonistes[5] » et plus un inventaire de « personnages » (très fourni par ailleurs) : ceux de la campagne, ceux de la ville, ceux de la noblesse, ceux de la science, les Ouvriers, etc.. Même le couple principal, Nénette et le professeur Alexis, n’est important que dans l’interaction, comme porteur du regard du public et de l’histoire, et non en tant qu’individus.
I.II.I Nénette
Ceci dit, Nénette est peut-être le seul protagoniste qui peut être considéré comme un des personnages principaux de l’histoire, puisque en grande partie, c’est son histoire que l’on suit et que l’on perçoit tout au long du film, la camera plongeant à plusieurs reprises dans l’intimité de son regard quand il évoque la vivacité des émotions humaines : la joie, le plaisir, la déception, la tristesse, la gaîté, l’étonnement, En même temps, on la voit se mêler au paysage, avec sa silhouette en robe rouge, et elle devient plus un décor artistique qu’un être réel, placé là pour contempler et admirer le caractère vivant de la nature, et le faire ressentir au spectateur.
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Une autre particularité du personnage de Nénette est sa ressemblance avec une jeune femme bien réelle de l’enfance de Jean Renoir : sa nounou Gabrielle, qui l’avait initié au monde du théâtre dès son plus jeune âge et qu’il appréciait plus tard tout autant comme adulte. Les ressemblances se trouvent non seulement dans le caractère doux et joyeux de Gabrielle/Nénette et dans l’attachement au paysage des Collettes, mais aussi dans la ressemblance physique – une jeune fille brune, aux cheveux bouclés et aux yeux noir, « typique » (comme le disent les scientifiques dans le film) de la région du midi. Dans son commentaire sur Le déjeuner sur l’herbe Roger Viry-Babel rappelle que Renoir avait bien remarqué cette ressemblance: « Il [Renoir] trouvait qu’elle [Nénette] ressembl[ait] à sa nounou poupée, avec un côté 1900 […] »[6]. À travers cette dimension biographique appuyée, on comprend mieux pourquoi le personnage de Nénette semble être à la fois le portrait d’un personnage réel et le symbole d’une sensualité archaïque, puisque ici s’entremêlent le personnage fictif, « typique » et parfois presque divin du film, avec la douce et innocente Gabrielle, femme- enfant- nounou.
Nénette est non seulement « exceptionnelle » dans son caractère de personnage, mais aussi par sa représentation particulière : on lui accorde les couleurs les plus vives, et si elle ne porte pas du rouge pour attirer le regard, c’est qu’elle apparaît toute nue. On la retrouve le plus souvent dans son « milieu naturel » – l’extérieur entouré de verdure ou (moins souvent) faisant du ménage dans une pièce de la maison. En la suivant – seule ou accompagnée- dans ces différents décors, on a rapidement l’impression de se promener d’une toile d’Auguste Renoir à une autre : autour d’elle, il y a toujours de la lumière et l’impression de l’été, et cela même dans les scènes filmées à l’intérieur (ses vêtements sont légers, elle porte les cheveux ouverts, elle a un teint bronzé). Elle dégage toute l’idée du monde dionysiaque, puisque c’est elle qui est porteuse du plaisir charnel – elle chante, prépare et donne à manger et à boire, sautille et danse, se baigne nue et est presque toujours optimiste et joyeuse. Elle est aussi du coté de la jeunesse, entourée par des enfants de la famille et avec son grand vœu de donner vie à un « petit ». Le professeur Alexis est quasiment son opposé, puisqu’il représente le monde de l’ordre, de la science et de la (nouvelle) technologie. Dans la mise en scène, il apparaît bien comme « le négatif » de Nénette, avec ses habits blancs ou gris, c’est-à-dire sans couleurs, ses cheveux toujours bien coiffés ; il ne sourit jamais, mais arbore plutôt un regard sérieux et songeur ; il occupe surtout des espaces fermée ou même ceux des médias (télévision, radio) et se perd instantanément dans le « désordre » de la nature quand il part au pique-nique ; il est entouré par ses semblables, des collègues, des journalistes, des admirateurs (et pas par sa famille proche), qui forment l’ensemble du monde apollonien, guidé par la force de l’esprit scientifique et désenchanté.
[...]
[1] Vgl. Jean Renoir : Mein Leben und meine Filme. Autobiographie.- Zürich, Diogenes 1992. S. 251.
[2] Dans Le déjeuner sur l’herbe, l’aspect du théâtre n’apparaît que dans le travail avec les acteurs qui ont ici la possibilité de jouer une scène entière comme s’ils jouaient dans une pièce ; mais dans d’autres films, comme Le carrosse d’or ou La règle du jeu, les éléments scéniques sont parfois plus évidents, grâce aux décors, aux références aux personnages de la Commedia dell’arte, etc.
[3] In : Documentaire „Autour du Déjeuner sur l’herbe“ (30’) avec Roger Viry-Babel et Jean-Pierre Spiero. Filmographies. 00 :20 :24 à 00 :20 :58.
[4] „Während der Dreharbeiten hatten wir alle das Gefühl, in Faune und Nymphen verwandelt zu sein.“ Jean Renoir : Mein Leben und meine Filme. Autobiographie. - Zürich, Diogenes 1992. S. 252.
[5] Les films de Renoir contiennent souvent un grand nombre d’acteurs, qui suivent des « types » plus que des caractéristiques personnelles- les protagonistes disparaissent ainsi derrière les masques du théâtre, comme p.ex. Dans la commedia dell’arte avec ses caractères stéréotypes « tout fait ».
[6] In : Documentaire „autour du Déjeuner sur l’herbe“ (30’) avec Roger Viry-Babel et Jean-Pierre Spiero. Filmographies. 00:13:35 à 00:14:20.