La Grande Guerre est un événement historique analysé en détail, en particulier ses causes,
l’entrée des différents pays dans le conflit, la guerre de tranchées etc. Des études sur la vie des
soldats dans les tranchées et sur la brutalité de la guerre sont également faites, des journaux de
guerre et des romans sont aussi publiés en grand nombre. Il reste tout de même des questions
ouvertes et des faits qui restent presque inconnus et ne sont pas discutés en public dont un en
particulier: Fin décembre 1914 les soldats sur la front de l’ouest arrêtent la guerre et fêtent
Noël ensemble. Cet épisode nommé des trêves de Noël était notamment remarquable entre
Britanniques et Allemands, mais aussi entre Français et Allemands. Cette trêve de Noël
a connu des formes multiples qui sont intéressantes à étudier: des chants de Noël entonnés
ensemble ou les uns pour les autres, des soldats fumant ensemble des cigarettes dans l’espace
qui séparait les tranchées, l’échange de souvenirs, des photos de groupe et même des jeux au
football. La trêve de Noël se compose de beaucoup d’histoires différentes.
Il faut d’abord étudier la situation sur le front en hiver 1914 et les raisons qui ont permis une
fraternisation entre les ennemis. De surcroît, il s’agit de présenter les événements à la fois du
point de vue des soldats français et du point de vue des soldats allemands. Enfin, on peut se
demander, pourquoi les Français ont-ils rarement participer aux trêves de Noël et de quelle
manière les trêves de Noël sont traitées aujourd’hui. La comparaison entre la participation des
soldats français et la participation des soldats allemands à la trêve de Noël 1914 se reflètent
dans les récits des soldats et dans les études contemporaines peut alors en donner une réponse.
Table des matières
I. Introduction
II. La situation initiale
1. Les raisons de la trêve de Noël
2. La situation initiale chez les soldats allemands
3. La situation initiale chez les soldats français
III. La trêve de Noël 1914
1. Le début de la trêve de Noël
2. Les soldats allemands
2.1 Les événements
2.2 Les récits des soldats allemands
3. Les soldats français
3.1 Les événements
3.2 Les récits des soldats français
4. La fin de la trêve de Noël
IV. Les conséquences
1. Les représailles en général
2. Les conséquences en Allemagne
3. Les conséquences en France
V. La réception contemporaine
1. L’Allemagne
1.1 Les travaux de recherche allemands
1.2 Les médias allemands
2. La France
2.1 Les travaux de recherche français
2.2 Les médias français
VI. Conclusion
VII. Bibliographie
1. La littérature primaire
2. La littérature d’accompagnement
3. Les médias
I. Introduction
La Grande Guerre est un événement historique analysé en détail, en particulier ses causes, l’entrée des différents pays dans le conflit, la guerre de tranchées etc. Des études sur la vie des soldats dans les tranchées et sur la brutalité de la guerre sont également faites, des journaux de guerre et des romans sont aussi publiés en grand nombre. Il reste tout de même des questions ouvertes et des faits qui restent presque inconnus et ne sont pas discutés en public dont un en particulier: Fin décembre 1914 les soldats sur la front de l’ouest arrêtent la guerre et fêtent Noël ensemble. Cet épisode nommé des trêves de Noël était notamment remarquable entre Britanniques et Allemands, mais aussi entre Français et Allemands. Cette trêve de Noël a connu des formes multiples qui sont intéressantes à étudier: des chants de Noël entonnés ensemble ou les uns pour les autres, des soldats fumant ensemble des cigarettes dans l’espace qui séparait les tranchées, l’échange de souvenirs, des photos de groupe et même des jeux au football. La trêve de Noël se compose de beaucoup d’histoires différentes.
Il faut d’abord étudier la situation sur le front en hiver 1914 et les raisons qui ont permis une fraternisation entre les ennemis. De surcroît, il s’agit de présenter les événements à la fois du point de vue des soldats français et du point de vue des soldats allemands. Enfin, on peut se demander, pourquoi les Français ont-ils rarement participer aux trêves de Noël et de quelle manière les trêves de Noël sont traitées aujourd’hui. La comparaison entre la participation des soldats français et la participation des soldats allemands à la trêve de Noël 1914 se reflètent dans les récits des soldats et dans les études contemporaines peut alors en donner une réponse.
II. La situation initiale
Afin d’en comprendre les raisons, il faut exposer le contexte antérieur à la trêve de Noël pour examiner le développement d’une sociabilité:
La guerre, dont on a prévu une durée de quelque mois, s’est transformée en une longue bataille menant à un type d’affrontement qui deviendra caractéristique pour la Grande Guerre: la guerre de siège dont les protagonistes, repliés dans des tranchées, étaient protégés par des barrages de fil de fer barbelé et séparés par un espace dangereux, dénommé no man’s land.[1]
Ce no man’s land était surveillé jour et nuit, mètre par mètre, par des hommes qui avaient l’ordre de tuer ceux en face.[2]
Avant la fin de l’année 1914, deux lignes parallèles de tranchées se sont développées de la ville balnéaire de Nieuport en Belgique à la ville frontière de Belfort en France.[3]
1. Les raisons de la trêve de Noël
On doit constater que cette trêve était une décision prise de manière plus ou moins spontanée et non organisée par des soldats: respecter l’esprit de Noël en était une des causes déterminantes. On peut seulement donner un certain nombre de raisons possibles, mais en aucun cas une explication suffisante de la cause de cet événement. Certes, le pape Benoît XV avait exprimé au public son espoir de voir, « au nom de la Divinité », les nations ennemies « faire cesser le fracas des armes lorsque la chrétienté célébrerait la fête de la Rédemption du monde ».[4]
En fait, cet appel du souverain pontife était largement ignoré. Le gouvernement allemand a seulement accepté la proposition du pape, à la condition d’être suivi des autres pays engagés. Mais pour les Alliés, cette proposition avait peu de sens: à leur avis, un arrêt de ces hostilités, pour une journée, aurait prolongé la situation d’occupation des populations française et belge, que les forces alliées voulaient libérer le plus vite possible. Enfin, le pape reconnut, le 13 décembre 1914, l’échec de ce qu’il appela « notre initiative de Noël ».[5]
Bien que les soldats soient partis à la guerre avec « un véritable appétit d’aventure »[6] , suscité par la propagande, la plupart d’entre eux ont complètement changé d’avis après quelque mois: les combats avaient été d’une telle brutalité, les ravages d’une telle violence et de plus, de jour en jour, il était de plus en plus prévisible que la guerre ne serait pas finie avant Noël.
De plus, les soldats ont commencé à prendre conscience qu’ils se tuaient pour rien, car il n’y avait pas des marches et contremarches. Ils ont même mis en cause le commandement.[7]
En effet, en décembre 1914, après plusieurs mois d’offensives et de contre-offensives, les soldats se sont trouvés presque immobilisés dans des tranchées improvisées. C’était une situation favorable pour des fraternisations. A cette date, d’une tranchée à l’autre, l’ennemi a pris un visage, il est devenu une silhouette qui inspirait la sympathie, mais dont on pouvait se moquer aussi. Cet ennemi était un être humain et non le monstre présenté par la propagande: à la moindre pause, il boit, il rigole et il doit subir les mêmes conditions épouvantables dans les tranchées: la froid, la pluie et la neige. Et très vite, d’une tranchée à l’autre, après une attaque inefficace, on s’est envoyé du chocolat et des cigarettes.[8]
C’est le constat que l’ennemi était « un homme comme vous et moi » et le fait que la guerre s’est immobilisée qui ont formé la base pour cette « spontanéité d’humanisme ».[9]
En somme, dans « de pareilles circonstances, il est presque naturel que les ennemis cessent d’être ennemis ».[10]
Ce sont surtout les soldats appartenant à des unités d’infanterie qui ont fraternisé, car la vie quotidienne dans les tranchées « en avait fait des voisins ».[11]
De surcroît, le besoin d’apaisement à la fin de l’année et le désir de faire honneur aux hommes qui étaient morts ont joué un rôle important.[12]
Pourtant, d’autres facteurs étaient déterminants, entre autres le souvenir des trêves entre ennemis autrefois célébrées pour Noël. Cette fraternisation en temps de guerre a pu se produire en particulier à un moment où les combats avaient pratiquement cessé et où les soldats savaient qu’il n’y aurait plus d’affrontements sérieux avant le printemps suivant. Personne ne doutait qu’il y aurait de nouveaux et sérieux combats et, par conséquent, on peut parler d’un besoin de tirer profit de cet arrêt des hostilités.[13]
2. La situation initiale chez les soldats allemands
Déjà avant Noël, au début du décembre 1914, on peut constater ce désir d’un arrêt des hostilités.
L’officier allemand, Rudolph Binding, a noté dans son cahier les premières manifestations de solidarités entre soldats:
« Amis et ennemis vont chercher du foin à la même meule pour se protéger de
la pluie et du froid – et jamais un coup de feu n’est tiré. »[14]
Cette citation soutient la thèse que les soldats ont commencé à voir l’ennemi comme un être, si proche d’eux qu’ils peuvent l’entendre parler, crier ou hurler de douleur. Par conséquent un étrange sentiment a gagné leur esprit: « les soldats se rapprochent et deviennent compagnons dans l’adversité, alliés dans le combat pour la survie et, par conséquent, amis ou presque ».[15]
Le dramaturge Carl Zuckmayer décrit dans son autobiographie le même sentiment:
« Cela faisait longtemps que la haine de l’ennemi posté dans la tranchée avait
disparu. Pour nous tous, l’ennemi, c’était la guerre, pas le soldat en uniforme
bleu acier ou kaki, contraint de subir les mêmes épreuves que nous. »[16]
3. La situation initiale chez les soldats français
Du côté des soldats français, l’hiver et la boue étaient le « pire ennemi » et non les soldats allemands. En fait, c’était un ennemi commun dont les soldats français et allemands ont souffert ensemble. La lutte contre les éléments de la nature préoccupait donc les soldats.[17]
Quand l’eau et la boue dans les tranchées ont obligé les soldats à sortir à découvert, ils se sont regardé et, dans le même temps, ils ont eu l’impression de se retrouver devant un miroir. Cette situation leur a permis de se plaindre de leur propre situation en découvrant leur propre image dans cette forme de miroir. Dans les journaux des soldats français, ce sentiment se transmet par des expressions comme les « pauvres gars de l’autre côté » ou les « frères de misère ».[18]
D’autre part, la critique des hommes du front s’est dirigé vers les profiteurs, les enrichis et également aussi vers leurs gendarmes et leurs officiers:
« Les Allemands, en face, subissent le même sort. Ces hommes se sentent trop malheureux pour se vouloir du mal. Dans leur misère commune, ils sont plus près les uns des autres que de ceux qui, de l’arrière, les flattent, les glorifient, les encouragent et s’enrichissent. Et s’ils pouvaient se comprendre et se parler, ils se tendraient la main. »[19]
Cette pensée n’était celle que de quelques-uns depuis août 1914 puis elle s’est formée lentement ou fut seulement ponctuelle par la suite pour quelques autres soldats. Somme toute, s’est développée une forme de sociabilité des soldats français avec ceux d’en face. Dans la plupart des cas, les premiers contacts des français avec des soldats allemands furent les prisonniers. En parlant avec ces prisonniers allemands, ils se sont aperçus de la désinformation qui régnait dans les deux camps. Ainsi, quelques officiers ont fait lire des lettres de prisonniers allemands pour rétablir le moral de leurs soldats en leur prouvant que l’ennemi était affaibli. Mais ils ont obtenu un effet non prévu: en fait, ces lettres ont aussi contribué au développement de la conscience d’une similitude de situation. Longtemps avant la trêve de Noël, les soldats français avaient déjà donné un nom à l’ennemi: Fritz. Il est probable qu’ils aient même commencé par reconnaître la valeur de soldat et le courage de l’ennemi. Tout ceci a contribué à lui donner une figure humaine. Pendant la trêve de Noël, cela a eu pour conséquence un respect du temps de repos, de repas et de travail des ennemis.
En somme, le confort minimum que chaque camp a essayé d’introduire dans sa tranchée était respecté par l’adversaire.[20]
[...]
[1] Brown: Un Joyeux entracte; p. 14.
[2] Cazals: « Ici, les Français et les Boches parlent ensemble comme en temps de paix »; p. 84.
[3] Brown: Un Joyeux entracte; p. 15.
[4] Brown: Un Joyeux entracte; p. 21.
[5] Brown: Un Joyeux entracte; p. 21-22.
[6] Brown: Un Joyeux entracte; p. 13.
[7] L’Esprit des fraternisations. Entretien avec Marc Ferro.
[8] Ferro: Frères de tranchées; p.10-17.
[9] L’Esprit des fraternisations. Entretien avec Marc Ferro.
[10] Brown: Un Joyeux entracte; p. 16.
[11] Brown: Un Joyeux entracte; p. 49.
[12] Brown: Un Joyeux entracte; p. 33.
[13] Brown: Un Joyeux entracte; p. 18.
[14] Brown: Un Joyeux entracte; p. 17.
[15] Brown: Un Joyeux entracte; p. 17.
[16] Zuckmayer: Als wär’s ein Stück von mir; p. 195-196.
[17] Cazals: « Ici, les Français et les Boches parlent ensemble comme en temps de paix »; p. 116.
[18] Cazals: « Ici, les Français et les Boches parlent ensemble comme en temps de paix »; p. 121.
[19] Cazals: « Ici, les Français et les Boches parlent ensemble comme en temps de paix »; p. 119-120.
[20] Cazals: « Ici, les Français et les Boches parlent ensemble comme en temps de paix »; p. 120-122.